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Flashs- souvenirs d’une ouvrière à GRINGOIRE. "découverte de la classe... ouvrière"

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gringoireplaque

Pendant l’hiver 1972 j’ai intégré avec satisfaction cette usine de Mantes la Jolie, mon premier emploi réel à 21 ans, après avoir abandonné de vagues études.

Lorsque j’ai appris qu’on allait démolir ce bâtiment 40 ans après, j’ai eu un vrai pincement au cœur. Je n’y suis restée que quelques mois mais les souvenirs sont toujours là, pour toujours.

Je me revois encore y aller en mobylette depuis mon domicile proche d’ Epone, emmitouflée dans le froid du tout petit matin puisque l’équipe prenait à 5h pour quitter à 13h, et la semaine suivante de 13h à 21h.

J’étais embauchée à la chaine d’empaquetage des biscottes comme la plupart des femmes, les hommes étant à la fabrication.

Ce qui revient d’abord, c’est l’odeur des biscottes cuites, d’abord agréable, puis forte, tenace, nous imprégnant de partout, écoeurante à la longue… Et quand on passait à côté de la fabrication, l’odeur de la pâte était parfois à vomir …

Tôle émaillée, enseigne de magasin

Puis les gestes pour saisir les biscottes qui arrivaient par milliers sur le grand tapis roulant devant nous et qu’il fallait placer habilement et rapidement dans les casiers une petite chaine qui se déplaçait tout contre notre ventre, debout. On se penchait le plus loin possible pour faire de l’avance et placer un max de biscottes, les douleurs dorsales et lombaires ne tardaient pas à s’installer, mais c’était le prix pour avoir quelques secondes de répit  et recommencer !

Souvent les bouts des doigts étaient presqu’en sang, car les biscottes ça rape la peau à force ! Ma voisine de chaine, une belle et douce kabyle d’Algérie, m’avait montré comment éviter ça. On s’enroulait les doigts de papier collant, qui se déchirait au bout d’un moment et même si on avait la prise moins facile, c’était mieux…

Le poste d’empaquetage papier au bout de cette chaine était moins pénible, j’y étais parfois.

Ah ! j’en ai cauchemardé des années de ce tapis de milliers de biscottes qui m’envahissaient, m’engloutissaient  la nuit !

Un détail m’est resté aussi depuis : plus jamais d’achat de chapelure, ayant constaté qu’on ramassait les débris et la poudre des biscottes sous les chaines pour remplir des paquets !

Mais ce qui m’est resté aussi de bien plus profond et ne m’a jamais lâché, c’est la découverte de l’ambiance ouvrière, ses petites anicroches comme sa profonde et chaleureuse solidarité, que ce soit sur la chaine ou autour de nos gamelles en fer dans la petite salle de repos.

Je n’ai pas eu l’occasion d’y faire grève, mais j’étais prête à assumer par la suite, toutes celles qui suivirent pendant des années à Renault Flins…

Alors certes, on peut conserver ces vécus dans nos mémoires, les retranscrire et les transmettre, mais rien ne remplacera le lieu où tout cela s’est passé… Et en plus, je ne l’avais pas trop senti ni vu à l’époque, mais ce beau bâtiment a vraiment une sacrée allure, de la classe … ouvrière.

Fabienne Lauret, de passage à Gringoire en 1972 et retraitée Renault Flins.